On parle de manipulateur en amour, de pervers narcissique, de dépendance affective, de chantage affectif, d’homme manipulateur, de relations toxiques, de manipulateur pervers narcissique, de situation de dépendance, de sociopathy, de techniques de manipulation…
Tous ces termes et semblent être des phènomènes de mode.
En réalité, ils sont bien plus que cela. Ce sont des réalités. Malheureusement. Mais qui est le manipulateur en amour ? Et qui est cette personne qui tombe dans une relation amoureuse toxique et abusive ?
La manipulation est un phénomène qui implique toujours au moins deux personnes qui ont une certaine responsabilité ou du moins certains rôles dans la situation de manipulation, dans la situation toxique et abusive.
Dans cet article, je raconte mon expérience de co-dépendante au sein du couple et comment je m’en suis sortie.
La mise en place du puzzle de ma relation amoureuse toxique et abusive : comment et pourquoi les pièces se sont parfaitement imbriquées
Je sors tout juste d’une relation de co-dépendance avec mon ex-partenaire dépendant.
Ma vie de couple s’était construite sur ma co-dépendance et la dépendance de mon ex-partenaire. Petit à petit, je découvre ce qui s’est passé. Le pourquoi du comment.
Dans un sens, nous étions tous.tes les deux des manipulateurs.rices. Nous avions tous les deux un rôle bien précis permettant de nourrir la relation toxique et nous ne nous en rendions pas compte.
Toute l’alchimie s’est réalisée inconsciemment. Et cette alchimie s’est merveilleusement bien calée sur le mal-être de chacun.e.
Tout cela a duré deux ans. Deux années de violence. Deux années de manipulation. Deux années de mal-être. Deux années de vide. Deux années de reproduction de ce que chacun.e a vécu dans l’enfance.
Le premier enfant de chacun.e s’est réveillé dans l’enfant-adulte de chacun.e. Les rôles se sont trouvés. Ils se sont parfaitement bien complétés. Une alchimie faussement fonctionnelle car très toxique et dangereuse.
Notre façon de survivre n’a rien à voir avec l’amour ou du moins avec un amour sain.
Nous croyions nous aimer. Nous croyions que c’était de l’amour et que c’était tout ce qui importait.
Nous ne faisions en réalité que nous enfoncer dans le mal-être, dans le malheur, dans la reproduction des maux qui nous ont été transmis par les générations familiales précédentes.
Nous avons été mal aimé.es dans notre enfance et nous nous sommes retrouvés à notre tour à mal aimer.
Il a été nécessaire de mettre fin à cette relation hautement destructive. Destructive de soi, de l’autre, du couple, de tout.
J’ai mis beaucoup de temps à arriver à une prise de conscience de la toxicité, de la manipulation, du danger de cette relation amoureuse.
Ma santé mentale était en jeu. Ma santé mentale était vraiment en danger. Je risquais mon bien-être dans l’attente de recevoir de l’amour que je n’ai jamais reçu.
De par mon histoire, mon historique, mes expériences, mon enfance, mes relations familiales, mon héritage transgénérationnel, je suis une personne co-dépendante.
Cela veut dire que je suis prête à tout pour recevoir de l’attention, de l’affection, de l’amour, de la reconnaissance et surtout dans mes relations amoureuses.
Je suis prête à m’oublier, à mettre totalement de côté mon identité, mes envies, mes désirs, mes projets, ma routine, ce qui me rend heureuse pour me consacrer absolument à mon ex-partenaire.
Je n’ai plus aucun contact avec une confiance en soi, une estime de soi, j’ai un sentiment de culpabilité permanent.
Dans le cas de mon expérience de co-dépendance avec laquelle je viens tout juste de rompre, j’étais en fait dépendante de la dépendance de mon ex-partenaire. Mon ex-partenaire est dépendant de substances.
Il est donc dans une position de vulnérabilité. Et moi, j’ai joué le rôle de la sauveteuse. J’ai cru pouvoir le sortir de son malheur, de sa dépendance. J’ai cru pouvoir l’aider. J’ai cru qu’il allait pouvoir changer. J’ai cru qu’il avait absolument besoin de moi.
J’ai, pendant plus d’un an et demi, perdu pied. Je devrais en fait dire ” nous “. Nous nous sommes enfoncés dans un système vicieux avec toujours les mêmes cercles vicieux qui se sont répétés sans cesse.
Mon ex-partenaire était dans un rôle de dépendant, de dépendant de substances et de dépendant de notre relation, dépendant de moi en tant que co-dépendante.
Rien ne m’obligeait à tout faire pour lui mais je le faisais en espérant recevoir mais je ne recevais rien, même pas du respect.
J’alternais les épisodes de co-dépendance et de contre-dépendance. Mes épisodes de contre-dépendance se sont intensifiés les derniers mois.
La contre-dépendance s’est manifestée de plus en plus intensément par le fait que je voulais arrêter la relation à cause du sentiment et de l’expérience de ne pas être respectée dans la relation.
Très cycliquement, je voulais arrêter la relation, c’était la seule chose que je voulais mais très rapidement, je retombais dans la co-dépendance.
J’ai inconsciemment identifié chez mon ex-partenaire des éléments qui me pourraient me faire revivre des schémas de l’enfance dans ma relation avec des membres de ma famille alors même que c’était des relations qui m’ont causé des manques affectifs et des vides émotionnels.
Et dans ma relation avec mon ex-partenaire, je suis entrée dans un mécanisme de croyances et d’espoir que j’allais être utilise à cette personne, que j’allais la sauver, que j’allais lui venir en aide, que j’allais devenir essentielle pour elle, que j’allais être récompensée pour tout cela.
Je dépendais de cette croyance qui n’avait rien à voir avec l’amour. Tout cela m’entraîner à expérimenter le besoin de contrôler. Sous prétexte que je donne tout, que je fais tout pour l’autre, je me mets à ressentir le besoin que l’autre ressente mes douleurs et surtout qu’il reconnaisse ce que je fais pour lui.
Cela devient presque insupportable pour moi que l’autre ne fasse pas les choses comme j’aimerais qu’il les fasse. Je me confonds avec l’autre. Tout perd son sens. Les disputes. Les sujets de dispute. Les mots. Les actions. La violence. Il n’y a plus d’autre sortie que la vraie porte de sortie.
Je me croyais victime d’un manipulateur mais je devenais moi-même manipulatrice, c’était mon vrai visage mais je ne le voyais pas.
Je croyais être tombée entre les griffes d’un manipulateur alors que tout s’était construit simultanément, ensemble. Dés le début, le petit feu de notre relation toxique a été nourri par nous deux.
L’attraction a été très naturelle, très forte, très évidente. Le dépendant a une relation aux personnes qui est la même relation qu’il a aux substances qu’il consomme avec excès pour combler le manque profond de son enfant intérieur.
Le dépendant manipule inconsciemment les personnes en les objectifiant et les instrumentalisant.
Parce que lui-même a été instrumentalisé dans son enfance. Il ne fait que reproduire un schéma douloureux qui a été vécu. Les substances auxquelles il est dépendant sont une fuite de cette douleur, une manière de ne pas faire face à la violence qui a été vécue.
La co-dépendante croit dépendre uniquement des autres. Souvent, elle a un besoin exagéré d’être utile aux autres, de les aider, au point de s’oublier soi-même.
Elle est attirée par des personnes vulnérables, des personnes à problèmes, des personnes dépendantes. Elle donne beaucoup sans même plus penser à elle-même. Elle est prête à abandonner son identité pour les autres.
Elle se retrouve piégée dans son propre piège, un piège toxique qui la nourrit et nourrit la relation avec le dépendant.
Elle se retrouve à alterner co-dépendance et contre-dépendance. Dans la contre-dépendance, elle se met à penser qu’elle se sacrifie pour l’autre – alors que rien ne l’oblige à le faire et elle pourrait très bien vivre sa vie comme bon lui semble et penser à elle et à ce qu’elle veut vraiment – et que l’autre est ingrat, qu’il ne le lui rend pas, que c’est injuste.
La réalité est que la co-dépendance et la dépendance mènent tous les deux à la manipulation tout en éloignant les personnes de leur bien-être, de leur bonheur, de la résolution de leur problèmes, de la prise de conscience de la toxicité, de la répétition d’un schéma familial sexiste.
Tout cela peut avoir des conséquences très graves et entraîner à la dépression et à d’autres problèmes de santé mentale et physique.
La sortie d’une relation de manipulation toxique et abusive : mon expérience
Le plus difficile est sans doute de se rendre compte de la manipulation qui a été mise en place et de comprendre le rôle de chacun.e dans la relation toxique et abusive.
La deuxième chose la plus difficile et de se sortir de la relation de manipulation. Le dépendant sera très résistant et la co-dépendante également.
Le dépendant a l’illusion de pouvoir changer. Il a même l’illusion que ça a déjà changé, qu’il y a eu des améliorations alors que ça ne fait que s’empirer. Il met en avant l’amour qui est fort.
La co-dépendante voit très bien que rien ne change, que tout reste bloqué, tout s’empire, elle voit que la situation est insupportable, qu’il y a de la violence – elle l’est elle-même -, de la toxicité, de la manipulation, de l’abus, une absence totale de respect, mais elle a aussi des élans d’espoir et une forte dépendance à la dépendance du dépendant. Elle vit à travers la co-dépendance et la nourrit. Elle entretient elle aussi le cercle vicieux.
C’est pourquoi la sortie est difficile. Les deux sont piégées et continuent de renforcer leur piège.
Dans mon cas, je m’en suis sortie à l’aide de mes amies et de ma psychologue. Le processus a été très long et douloureux. Il l’est encore. J’ai enfin compris que je n’avais pas besoin de répéter des schémas familiaux et relationnels sexistes, toxiques, dangereux, violents.
Je suis une personne à part entière qui a ses propres aspirations, des propres idées, ses propres envies, ses propres désirs, sa propre manière de vivre, de voir les choses, sa vision de la vie, ses pensées, sa dignité.
Il est temps que que je me respecte. Il est temps que je pense à mon développement personnel.
Il est temps que je grandisse la confiance en moi et l’estime de moi-même. Je prends enfin rendez-vous avec moi-même, je dois faire dialoguer l’adulte et l’enfant en moi. Je dois m’entourer des personnes qui m’aiment et me respectent vraiment.
Je ne suis la sauveuse de personne. Je ne dois pas confondre la pitié et l’amour. Je ne suis responsable du malheur de personne.
Je dois oser penser à moi. Je dois oser demander de l’aide. Je dois oser reconnaître l’amour, l’égalité, le partage, les relations saines.
Je dois m’occuper de moi, de mes besoins, de mes accomplissements.
Pour cela, il faut tout d’abord que je m’intéresse à l’enfant qui est en moi. Cette enfant qui surgit dans des situations en particulier. Cette enfant qui se croit responsable de ce qui se passe autour d’elle. Cette enfant qui se culpabilise pour la moindre erreur ou la moindre faute.
Cette enfant qui se sent sans valeur parce qu’elle ne reçoit pas l’attention, l’affection et l’amour dont elle a besoin.
Cette enfant qui met en place des stratégies de remplacement du vide affectif qu’elle ressent profondément. Cette enfant qui repère les choses qui attirent l’attention des adultes autour d’elle et dont elle cherche l’amour et le partage.
Les besoins de cette enfant ont évolué dans le temps, selon l’âge. Dans ce processus, le ou la psychologue est nécessaire. Du moins pour ma part. Les mécanismes remontent à loin. Ils sont ancrés. Mais ils peuvent tout à fait être remplacés par des mécanismes sains et propices au bonheur de la co-dépendante.
J’en suis au tout début de ma thérapie et je suis pleine d’espoir pour le vrai changement. Je veux apprivoiser l’enfant blessé qui est en moi, le guérir et faire de moi l’adulte que je veux vraiment. Je ne veux plus que mon passé douloureux dicte ma vie.