« Tous les enfants grandissent, sauf un », avait écrit J. M. Barrie dans son roman de 1911 prénommé Peter et Wendy.
Bien sûr, il s’agit de Peter Pan, ce petit garçon qui ne veut en aucun cas grandir et qui a trouvé refuge dans Neverland (qui est le nom du pays imaginaire où vivent les enfants perdus).
Bien qu’il n’existe aucune magie ni sorcellerie qui puisse empêcher les enfants de grandir (physiquement), certains adultes continuent à s’accrocher à l’insouciance de leur jeune âge et trouvent les responsabilités d’adultes émotionnelles et financières difficiles à assumer une fois qu’ils ont atteint l’âge adulte.
Le nom courant de ce trouble du comportement appelé « Syndrome de Peter Pan », est utilisé pour la première fois en 1983 dans le livre du psychanalyste américain Dr. Dan Kiley, « The Peter Pan Syndrome: Men Who Have Never Grown Up ».
Bien que le Dr. Dan Kiley se soit concentré en particulier sur ce comportement chez les hommes, le syndrome de Peter Pan peut toucher les personnes des deux sexes et de n’importe quelle culture.
N’oubliez pas qu’il ne s’agit pas d’une maladie mentale reconnue comme telle.
Néanmoins, de nombreux experts sont d’accord que ce type de comportement peut avoir un impact sur les relations d’une personne avec le monde extérieur ainsi que son bien-être et sa qualité de vie de manière générale (troubles sexuels, troubles du sommeil, sentiment de colère, syndrome de l’imposteur etc.)
Alors, le syndrome de Peter Pan: À quoi ça ressemble?
Avez-vous déjà pensé: « Je n’ai pas envie d’être adulte aujourd’hui » ? Eh bien, les personnes atteintes du syndrome de Peter Pan ont tendance à vivre selon cette philosophie au quotidien.
Le syndrome de Peter Pan n’étant pas un diagnostic en psychologie clinique, les experts n’ont pas déterminé de symptômes officiels.
Mais, pour essayer d’y voir un peu plus clair, aujourd’hui nous allons nous pencher sur la façon dont il se manifeste à travers les relations, au travail et dans les attitudes personnelles à l’égard de la responsabilité et de la prise en charge des obligations.
Voir aussi : L’immaturité Affective N’est Pas Un Manque De Maturité
Le syndrome de Peter Pan: Signes relationnels
Voici les mots du psychanalyste américain Patrick Cheatham, spécialisé en troubles comportementaux: « Dans les relations, je pense que le complexe de Peter Pan se manifeste le plus clairement par des niveaux divergents d’ambition, d’attentes, d’objectifs de vie et de capacité à prendre des engagements ».
Si votre partenaire souffre du syndrome de Peter Pan, vous pourriez avoir l’impression qu’il a du mal à se débrouiller seul dans le monde extérieur.
La vaisselle peut s’accumuler dans l’évier. Il peut éviter de faire la lessive jusqu’à ce qu’il n’ait plus rien de propre à porter.
Vous pourriez vous retrouver à participer régulièrement aux tâches ménagères, juste pour rendre son appartement un peu plus habitable.
Les personnes atteintes du Syndrome de Peter Pan peuvent souvent:
⁃ vous laisser planifier des activités et prendre toutes les décisions importantes
⁃ négliger les tâches ménagères et les responsabilités liées à la garde des enfants
⁃ préférer « vivre au jour le jour » et montrer peu d’intérêt pour les projets à long terme
⁃ montrer des signes d’indisponibilité émotionnelle, comme le fait de ne pas vouloir étiqueter ou définir leurs relations
⁃ vouloir passer leur temps en jouant à des jeux vidéos
⁃ dépenser de l’argent de manière inconsidérée et avoir toutes sortes de problèmes liés aux finances
⁃ éviter systématiquement d’aborder les problèmes relationnels de manière productive.
Le syndrome de Peter Pan: Les signes liés au travail
Selon M. Cheatham, les personnes atteintes du syndrome de Peter Pan ont également tendance à avoir des difficultés à atteindre leurs objectifs professionnels et de carrière.
Elles peuvent donc souvent:
⁃ avoir l’habitude de perdre leur emploi en raison d’un manque d’effort, de retards ou d’absences au travail
⁃ faire peu d’efforts réels pour trouver un emploi
⁃ quitter fréquemment leur emploi lorsqu’elles se sentent ennuyées, mises au défi ou stressées
⁃ n’accepter que des emplois à temps partiel et ne pas chercher à obtenir des promotions
⁃ passer d’un domaine à l’autre sans prendre le temps de développer des compétences dans un domaine particulier.
Dans certains cas, ce problème peut également se manifester sous la forme d’objectifs irréalistes, comme le rêve de devenir un footballeur professionnel ou de décrocher un contrat de chanteur.
Ce sont certainement des possibilités pour certaines personnes, et il n’y a rien de mal à les poursuivre de manière saine.
En revanche, si ces ambitions empêchent une personne de réussir dans d’autres domaines importants de la vie, il est peut-être temps d’envisager des options de carrière plus réalistes.
Transformer ces rêves en réalité, sans vouloir faire de réels efforts pour les réaliser, peut également suggérer qu’une personne est atteinte du syndrome de Peter Pan.
Attitude, humeur et signes comportementaux
Les personnes atteintes du syndrome de Peter Pan peuvent sembler un peu désemparées. Vous pouvez avoir l’impression générale qu’elles n’arrivent pas à « s’en sortir » et remarquer des choses telles que:
⁃ une tendance à ne pas être fiables et à disparaître soudainement
⁃ des explosions émotionnelles dans des situations stressantes
⁃ une tendance à trouver des excuses et à blâmer les autres lorsque les choses vont mal
⁃ peu ou pas du tout d’intérêt pour le développement personnel
⁃ le besoin qu’on s’occupe d’eux
⁃ la peur d’une évaluation négative
⁃ une tendance à consommer de l’alcool ou des drogues, souvent dans le but d’échapper à des sentiments ou à des responsabilités difficiles.
⁃ le désir de garder ses options ouvertes au lieu de faire des plans concrets.
Ces signes peuvent également être liés à d’autres problèmes, mais une personne qui présente plusieurs des signes et symptômes ci-dessus peut être atteinte du syndrome de Peter Pan.
Le narcissisme peut (parfois) jouer un rôle
Le narcissisme est souvent évoqué dans les discussions sur le syndrome de Peter Pan, mais il s’agit de deux concepts différents.
Il est vrai que certaines personnes atteintes de ce syndrome présentent également des caractéristiques de pervers narcissique.
Cela dit, de nombreuses personnes présentent des traits narcissiques sans répondre à tous les critères du trouble de la personnalité narcissique.
De plus, les personnes présentant des traits du syndrome de Peter Pan ne sont pas toutes assujetties à des traits de narcissisme.
Cela dit, cela n’exclut pas que les deux problèmes présentent beaucoup de similitudes.
Les personnes atteintes de narcissisme peuvent également:
⁃ ne pas vouloir accepter de responsabilité, tendance à la procrastination
⁃ blâmer les autres pour leurs échecs
⁃ donner la priorité à leurs désirs personnels plutôt qu’aux besoins des autres
⁃ craindre la critique ou le conflit.
Dans le cas du narcissisme, cependant, la dévalorisation des autres et le manque d’empathie ont tendance à accompagner ces comportements.
De nombreux experts considèrent les défenses narcissiques comme une méthode extrême de compensation d’une faible estime de soi et d’un manque de confiance en soi.
Les personnes qui font l’effort d’explorer les traits narcissiques en thérapie peuvent découvrir des sentiments d’inadéquation et de vide.
Les personnes atteintes du syndrome de Peter Pan peuvent arriver à ces mêmes sentiments par une voie différente, selon M. Cheatham.
Il poursuit en expliquant que, n’ayant que peu de réalisations personnelles à montrer aux autres, elles peuvent être confrontées au manque de respect et au rejet.
Ces expériences peuvent finir par engendrer des sentiments de dévalorisation et d’échec, que certaines personnes peuvent essayer de gérer en redoublant leurs efforts, notamment en recherchant des sensations fortes et en évitant les défis.
« Bien que le dilemme narcissique reflète certains des inconvénients du syndrome de Peter Pan, j’hésite à dire qu’il y a un lien direct entre les deux », explique le Dr. Cheatham.
Il est plus fréquent chez les hommes (mais pas obligatoirement)
Le syndrome de Peter Pan est largement associé aux hommes (et ce, depuis le début).
Il convient toutefois de noter que la plupart des recherches de Kiley ont été menées dans les années 1970 et 1980, à une époque où les rôles des sexes étaient un peu plus strictes et surtout différentes de celles que l’on connaît de nos jours.
Néanmoins, des informations provenant de l’université de Grenade et une étude de 2010 portant sur 29 jeunes femmes Navajo suggèrent que ce sont surtout – mais pas toujours – les hommes qui souffrent du syndrome de Peter Pan.
À ce jour, peu de recherches ont été menées sur la manière dont ces comportements se manifestent selon le sexe. Les études qui existent sont assez limitées.
Il existe aussi un syndrome de Wendy
Bien que Kiley ait concentré ses recherches sur les hommes, il a identifié un équivalent chez les femmes, le syndrome de Wendy, en référence à la copine de Peter Pan.
Comme dans l’histoire de Walt Disney, les femmes qui jouent ce rôle permettent souvent à Peter Pan de vivre sa vie et le plus souvent, sans même s’en rendre compte (ce qui nous ramène au terme de misogynie).
Elles peuvent le faire en prenant des décisions à sa place, en mettant de l’ordre dans ses affaires et en lui offrant un soutien émotionnel unilatéral.
Pourquoi devient-on atteint du syndrome de Peter Pan?
Il n’y a pas de cause unique aux comportements associés au syndrome de Peter Pan. Il s’agit probablement du résultat des facteurs complexes suivants:
Les expériences de l’enfance
« Certains styles d’éducation peuvent donner naissance à des personnes qui n’ont pas acquis les compétences nécessaires à la vie d’adulte, qui savent éviter les responsabilités et les engagements, qui se concentrent trop sur la recherche de sensations et l’hédonisme, et qui rompent avec la liberté et l’évasion », explique M. Cheatham.
Les personnes atteintes du syndrome de Peter Pan ont souvent une mère trop protectrice ou une figure paternelle très permissive. Il s’agit là de deux styles parentaux assez différents, mais voici la répartition :
Parentalité permissive
Les parents trop permissifs ne fixent souvent pas assez de limites (voire aucune) au comportement de leurs enfants.
Par conséquent, ces enfants grandissent en croyant qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent, comme ils veulent, comme bon leur semble.
Et lorsque ces enfants font quelque chose de mal, les parents permissifs font tout pour les protéger des retombées et des reproches, de sorte qu’ils ne peuvent jamais vraiment apprendre que certaines actions peuvent avoir (et ont) de graves conséquences.
Si les parents prennent en charge tous les besoins financiers jusqu’au début de l’âge adulte de leur enfant et que l’enfant n’a jamais dû se donner du mal pour obtenir ce qu’il voulait, alors, il ne comprendra probablement pas pourquoi il doit travailler une fois que le moment sera venu de le faire.
Les parents protecteurs
Les parents protecteurs, quant à eux, peuvent vous donner l’impression que le monde des adultes est effrayant et plein de difficultés.
Ils peuvent vous encourager à profiter de l’enfance et ne pas vous enseigner des compétences telles que l’établissement d’un budget, l’entretien de la maison ou des réparations simples, et des comportements d’entretien des relations de manière générale.
Les parents qui veulent prolonger votre jeunesse peuvent également éviter de discuter avec vous de ces concepts d’adultes. Cela peut vous amener à contourner ces concepts dans votre propre vie.
Les Facteurs économiques
Cheatham souligne également que les difficultés et la stagnation économique peuvent contribuer au syndrome de Peter Pan, en particulier chez les jeunes générations.
En d’autres termes, devenir adulte est peut-être un peu plus difficile qu’avant.
« Je pense qu’il faut plus d’ardeur, d’auto motivation et de compétences sociales pour orienter une carrière que par le passé », dit-il.
Failure to Launch, un rapport de 2013 généré par l’université de Georgetown, suggère que les changements technologiques et structurels de l’économie mondiale rendent la transition entre l’adolescence et le début de l’âge adulte encore plus cahoteuse.
Des salaires plus bas et moins de possibilités de progresser sur le marché du travail peuvent également faire échouer une motivation déjà faible pour poursuivre une carrière qui ne vous enthousiasme pas.
Les frais d’inscription à l’université, qui ont dépassé l’inflation, ont créé un stress financier et une anxiété supplémentaire, que certaines personnes tentent de gérer en évitant toute responsabilité financière.
Le syndrome de Peter Pan: À quel point est-ce grave?
Les personnes atteintes du syndrome de Peter Pan ne sont pas forcément toxiques et en aucun cas manipulatrices.
Au contraire même, le maintien d’une attitude enjouée peut contribuer à réduire le stress et à améliorer la santé émotionnelle à long terme, de sorte qu’une personnalité enfantine et curieuse peut certainement avoir des avantages.
Une personne atteinte du syndrome de Peter Pan peut, par exemple, vivre de façon plus spontanée et vous encourager à apprécier les petites choses de la vie.
Elle peut avoir une personnalité affectueuse et douce, ce qui fait que vous allez probablement beaucoup vous amuser ensemble.
Le syndrome de Peter Pan va toutefois au-delà de l’espièglerie quotidienne et implique de fuir les responsabilités.
Lorsque cet état d’esprit commence à s’insinuer dans d’autres aspects de la vie, des problèmes peuvent apparaître.
Quand votre partenaire est Peter Pan
Tout ce que vous venez de lire concernant l’immaturité des personnes atteintes du syndrome de Peter Pan vous fait beaucoup penser au comportement de votre partenaire?
S’il est possible d’encourager et de soutenir un changement positif chez un partenaire, il est généralement impossible de changer quelqu’un qui n’est pas prêt ou disposé à faire le nécessaire pour changer.
« Essayer de changer le niveau d’engagement ou d’ambition de votre partenaire ne fera que vous frustrer tous les deux », explique M. Cheatham.
Il met également en garde contre le fait de diminuer ou de modifier radicalement vos attentes pour poursuivre la relation.
Et au lieu de cela, il recommande plutôt de communiquer vos propres ambitions, vos propres attentes et vos propres objectifs de vie.
« Il s’agit de donner le ton de l’âge adulte et de voir comment votre partenaire le respectera et y réagira », explique M. Cheatham.
Si vous avez fait savoir à votre partenaire ce que vous attendez de votre relation et de votre vie commune, et qu’il ne montre aucun signe de partage de ces mêmes objectifs, il est temps de décider s’il faut accepter la relation telle qu’elle est ou s’il est temps de chercher un partenaire dont les objectifs et les comportements correspondent à ce que vous voulez.
Le fait de mettre fin à des comportements habilitants, comme nettoyer après votre partenaire ou payer ses factures, peut l’aider à reconnaître qu’il a besoin de changer.
« Toutes les relations impliquent des compromis et des négociations, mais il est à espérer que vous puissiez trouver un juste milieu entre changer quelqu’un et le laisser faire », conclut M. Cheatham.
Quand vous êtes Peter Pan
À l’âge adulte, il y a beaucoup de choses compliquées dont il faut se préoccuper : les défis relationnels et parentaux, le remboursement des prêts étudiants, le chômage, etc.
En bref, il n’est pas facile d’être un membre productif de la société qui paie des impôts.
Il est tout à fait normal de souhaiter revenir à l’époque de l’adolescence, lorsque vos principales responsabilités étaient les examens de biologie et la surveillance de votre petite sœur.
Si vous vous rendez compte que vous avez tendance à éviter certains aspects nécessaires de l’âge adulte, comme trouver un emploi stable ou s’occuper des courses et des tâches ménagères, il est important de comprendre pourquoi.
Bien qu’il soit certainement possible de changer les choses par soi-même, si vous ne parvenez pas à identifier les facteurs qui jouent dans ces schémas, vous risquez d’y retomber.
La thérapie est la clé d’une exploration réussie.
Les thérapeutes peuvent vous offrir un soutien sans jugement en vous aidant à examiner les schémas de votre vie et à remarquer comment ils affectent vos relations et vos chances de réussite dans la vie.
En prenant rendez-vous chez le thérapeute, vous pouvez également explorer d’autres préoccupations qui vous poussent à compter sur votre partenaire pour un soutien émotionnel et financier, notamment les problèmes d’argent, l’anxiété ou la peur de la solitude.
Pour finir
Le syndrome de Peter Pan est davantage un ensemble de comportements qu’un diagnostic officiel. Bien qu’il soit généralement associé aux hommes, il peut s’appliquer à n’importe qui.
Si vous avez l’impression que votre partenaire présente ces comportements, tout ce que vous pouvez faire, c’est de clarifier vos besoins et vos objectifs.
À partir de là, c’est à vous de décider si vous allez l’accepter comme il vient ou pas.